mercredi 7 novembre 2007

Anne Sylvestre

Quand elle lui disait je t'aime
il prenait un air surpris
C'était l'évidence même
A quoi bon l'eut-elle dit
Quand elle insistait "regarde
Suis-je vraiment à ton goût ?"
A son expression hagarde
on l'aurait pris pour un fou
Et quand elle le secouait
Il lâchait d'un air distrait

Flou, je te vois flou
Je vois comme un brouillard partout
autour de tes yeux, de tes joues
et ton corps qui est en-dessous je ne le vois plus du tout
Flou, je te vois flou
Tu peux bien te pendre à mon cou
tu peux m'arracher des mots doux
Tu peux grimper sur mes genoux, je te vois flou


Elle lui disait "Ca m'inquiète,
tu me voyais bien pourtant
Il te faudrait des lunettes
Tu pourrais de temps en temps
me dire que je suis belle"
Mais ses yeux étaient restés
tout au fond de ses jumelles
où il était enlisé
Car en face il regardait
une autre qui s'en doutait

Flou, tu me vois flou
Et moi qui t'aime et qui l'avoue
je ris, je pleure, tu t'en fous
mais de la fille qui se joue
tu connais tout, tout, tout
Flou, tu me vois flou
Je peux me tatouer partout
je peux me teindre en acajou
je peux te faire un charme fou
tu me vous flou

Un jour pour que ça lui passe
elle partit s'installer
À la fenêtre d'en face
où il la vit s'exposer
mais sans plus la reconnaître
alors il la découvrit
cramponné à sa fenêtre
il la guettait jour et nuit
mais c'est elle qui pensa
en m'apercevant là-bas

Flou
je te vois flou
et moi qui croyais bien que nous vivions un amour à genou
tu es un homme comme tous ceux que je vois partout
flou, je te vois flou
y a quelque chose là-dessous
qui me chagrine un peu beaucoup
Où est passé mon amour fou
je le vois flou
Flou
On se voit flou
mais pourquoi se rouer de coups
pourquoi hurler comme des loups
si tu dis que ces jeux de fous ne changent rien pour nous
Flou
on se verra flou
et quand je ferai les yeux doux
toi tune seras pas jaloux
on pourra vivre tranquillou un amour flou, flou, flou
Flou, et voilà tout.




Je suis le centre du motif
Chaque fil est une tendresse
Chaque fil avec moi se tresse
me prend ce que j'ai de plus vif

Je suis le centre du motif
je suis le centre de la toile
En quelque lieu vient une étoile
en d'autre c'est un coup de griffe

Je suis le centre du motif
vous en ferez une dentelle
à condition que je sois telle
que vos rêves les plus hâtifs

Je suis le centre du motif
vous en ferez une rosace
Si je reste bien à ma place
et sans un abandon furtif

Je suis le centre du motif
je suis l'araignée prise au piège
l'âne qui tourne le manège
je suis l'égoïsme tardif

Je suis le centre du motif
maille si je me détricote
si je m'altère fausse note
si mon cœur est inattentif

Le tissage s'éraillera
se défera la belle ouvrage
peut-être alors serai-je sage
peut-être alors serai-je moi



Après que soit passée la fête
après dix années révolues
François dit à Mariette
Je crois que tu ne m'aimes plus
Je n'entends plus sonner ton rire
Tu ne m'attends plus comme avant
Tu n'as plus grand chose à me dire
Tu lis chaque soir trop longtemps

Sûr que ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Sûr que ce n'est pas la fête,
la vie avec moi
Crois-tu donc qu'il soit facile
Ne fais pas l'imbécile
Crois-tu donc qu'il soit facile, François
D'avoir Mariette chez soi

Depuis longtemps, dis, Mariette
Longtemps tu ne m'as regardé
Dix ans après notre cueillette
tu t'endors de l'autre côté
Fatigué par les escarmouches
J'ai préféré ne plus lutter
Et si je n'ouvre pas la bouche
C'est pour te laisser ta fierté

Sûr que ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Sûr que ce n'est pas la fête,
la vie avec moi
Crois-tu donc qu'il soit facile
Ne fais pas l'imbécile
Crois-tu donc qu'il soit facile, François
D'avoir Mariette chez soi

Mais je t'ai donné, Mariette
Toute la force de mes bras
J'ai travaillé comme une bête
Mariette, c'était pour toi
Le françois que je me rappelle
N'était pas ce tâcheron-là
Il avait des mains d'hirondelle
Il savait me parler tout bas

Sûr que ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Sûr que ce n'est pas la fête,
la vie avec moi
Crois-tu donc qu'il soit facile
Ne fais pas l'imbécile
Crois-tu donc qu'il soit facile, François
D'avoir Mariette chez soi

Mariette dans ma mémoire
avait des réveils lumineux
Son rire au soleil venait boire
le vent dansait dans ses cheveux
Jour après jour la vie nous use
Nous pousse chacun d'un côté
François, déjà ça ne m'amuse
plus beaucoup de me réveiller

Sûr que ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Sûr que ce n'est pas la fête,
la vie avec moi
Crois-tu donc qu'il soit facile
Ne fais pas l'imbécile
Crois-tu donc qu'il soit facile, François
D'avoir Mariette chez soi

Il vient tant de gens par la porte
se réchauffer à vote feu
Ce n'est pas que la flamme soit morte
C'est qu'ils en ont laissé bien peu
Il vient tant de gens qui vous blessent
et qui vous mangent votre temps
Que s'effiloche la tendresse
que s'indiffèrent les amants

Sûr que ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Sûr que ce n'est pas la fête,
la vie avec moi
Crois-tu donc qu'il soit facile
Ne fais pas l'imbécile
Crois-tu donc qu'il soit facile, François
D'avoir Mariette chez soi

Regarde-moi, j'ai les yeux tendres
Je m'appelle Mariette, et toi?
Moi, je n'en pouvais plus d'attendre
Je m'appelle toujours François
Nous fermerons un peu la porte
Nous mettrons du bois sur le feu
et si la flamme n'est pas morte
'fera bien assez chaud pour deux

Même si ce n'est pas la fête, Mariette, Mariette
Même si ce n'est pas la fête
La vie avec moi
Même si ce n'est pas facile
Ne fais pas l'imbécile
Même si ce n'est pas facile, François
d'avoir Mariette chez soi
d'être Mariette et François




Trois extraordinaires chansons d'Anne Sylvestre que j'ai redécouvertes cette nuit.


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